Odi et amo, je hais et j’aime
A Rome, Catulle aime passionnément Lesbie, laquelle aime parfois Catulle et souvent d’autres hommes. Alors Catulle aime aussi le beau Juventius, de temps à autres, pour se consoler.
Dans une république en fin de course, débauchée, le jeune homme dévoile ses amours avec finesse, ses déceptions et ses colères avec une violence et une trivialité rarement égalées.
Une plongée dans la vie sans concession d’un poète antique d’une étonnante modernité.
La pièce s’organise autour de la liaison du poète avec Lesbie. Le peu de certitude que nous avons sur sa vie a permis une certaine liberté d’interprétation et fait du décés de son frère le tournant d’une vie: le début de la désillusion, de l’isolement. Construit sur une analepse, le texte se présente comme un retour de Catulle sur sa vie, au moment de mourir. Les poèmes, retraduits pour l’occasion, ne sont pas censurés et s’insèrent dans un ensemble dialogué qui construit le fil narratif. Autour de Catulle évoluent quelques satellites: Lesbie, évidemment, Caelius, Aurelius, Furius, Juventius son amant ou encore la douce Ipsithilla.
Assez minimaliste, le décor présente deux méridiennes, échos au triclinium, un miroir de métal poli, un drap blanc, tour à tour lit où l’on se vautre, écran et déguisement. C’est un long tissu orange, couleur de la féminité, qui fait office de fil conducteur: étole de Lesbie, il devient objet fétiche d’un Catulle en plein désarroi.
N’oublions pas cet autre élément clé de la mise en scène: les interventions, en direct, du plasticien Mathias Le Royer, sur un rétro-projecteur, dont la lumière crée une atmosphère particulière, des parenthèses dans le jeu, révélant l’intériorité du personnage. En jouant avec les matières (sable, eau, peinture), les ombres, les écritures et les corps, l’artiste crée d’autres espaces, d’autres temps.
Dans Odi et Amo, on entend des grossièretés, on voit des corps s’étreindre, mais toujours dans le souci de poésie, afin de ne pas faire oublier que Catulle fut un des poètes les plus appréciés de son temps. En tout cas, c’est le pari que La Thymélée souhaite avoir réussi.
Catulle un poète à fleur de peau
J’ai voulu faire découvrir Catulle, un poète longtemps trahi par des traductions trop prudes, jusqu’à ce que notre siècle ose les mots qu’il osait. La pièce se construit autour de certains de ses poèmes que j’ai sélectionnés et traduits en espérant respecter l’auteur et ses sensibilités, du moins ce qu’il nous a donné à voir. Les personnages qui l’entourent sont tous cités par Catulle, mais j’ai assez librement interprété le rôle qu’ils purent jouer dans sa vie.
Le décor, assez léger, symbolise l’arrière salle d’une taverne romaine, dans lequel un miroir de métal poli renvoie les personnages à leurs propres déchirements. Catulle, jeune amoureux passionné de Lesbie, une femme plus mûre, plus volage et finalement plus libre que lui, ne parvient pas à se défaire de ce corps qu’il respire dans un voile orange, oublié par elle. Dans le théâtre antique, l’orange symbolise la féminité, ici il réchauffe l’espace par ses reflets dans les lumières.
Le texte ne cache pas la bi-sexualité assumée de l’auteur et fréquente à l’époque, mais là n’est pas le coeur de notre sujet. Une simple réalité.
Hors scène intervient Mathias Le Royer, artiste plasticien, qui, à l’aide d’un « bon vieux rétroprojecteur », projette ses créations en direct. Elles font décor, elles font vie, elles révèlent l’intime du poète, elles rappellent aussi l’existence d’un grand absent: le frère de Catulle, peut-être la seule vraie douleur de l’homme qu’il fut.
D’après Catulle
Traduction et adaptation pour la scène : Aurélie Pouget
Mise en scène : Aurélie Pouget
Distribution : Gaël Bardon, Sébastien Coppolino, Jean Paul Lavigne, Pascal Le Goapper, Denis Neyrat, Lydie Otero, Cécile Silveira
création graphique au rétroprojecteur : Mathias Le Royer
création lumières : Emilie Barrier