Passés- La pièce

Passés

Des ombres circulent dans la forêt: des hommes, des femmes tentent de passer inaperçus. Leur but: franchir la frontière, mettre le plus de distance possible entre eux et leur pays totalitaire, menaçant. L’histoire suit deux groupes de réfugiés: la famille du vieux et une mère et sa fille.

Dans cet espace ultime avant ce qu’ils pensent être leur liberté à venir, ils vont croiser trois sœurs funestes qui font payer cher leur connaissance du terrain. Un jeune militant leur vient en aide et tente de les protéger de la milice qui s’est organisée avec les fonds d’un parti extrémiste.

Dans le village, des habitantes guettent et s’inquiètent ou s’engagent auprès des migrants. Les discussions vont bon train et s’enveniment souvent, tandis qu’un garde veille au grain, pensant être le dernier rempart contre la fin de sa société.

Ces quinze personnages vont vivre ici un moment crucial de leur vie, devoir prendre des décisions qui engagent tout leur être.

Passés, un titre polysémique

La question s’est posée: faut-il mettre un point d’interrogation à la fin du titre? Une partie du nœud dramatique se tient là: parviendront-ils à passer de l’autre côté? Qui verra son chemin s’arrêter là?
Avec un point d’exclamation, c’eût été le soulagement. Enfin! Passés de l’autre côté!
Mais, finalement, il n’y a rien, car Passés, c’est un peu tout cela, mais aussi le passé que chacun évoque pour tenter de justifier ses prises de position, ses décisions et ses actes.
Enfin, c’est nous, spectateurs, qui passons par là, un peu voyeurs, et assistons, passifs, au drame qui se déroule devant nous.

A l’origine, un texte sur mesure (le mot de l’autrice)

Ce projet est né avec l’atelier théâtre, pour le spectacle de 2016: nous voulions toucher au registre dramatique, mais avions bien du mal à trouver une pièce qui convienne pour un groupe de 15 personnes.

De mon côté, j’avais envie d’écrire quelque chose de plus engagé et, bien-sûr j’étais bouleversée par le sort des réfugiés, Calais, la Méditerranée etc… et mon impuissance. Non pas que ce texte me donne l’impression d’avoir fait quelque chose, mais bon…

Au croisement de ces deux constats est né ce texte. C’était la première fois que j’écrivais en ayant déjà la liste des comédiens. Une contrainte productive: j’ai essayé de répondre aux désirs de chacun-e, tout en pensant à ce qui pourrait les faire avancer dans leur travail personnel.

Pour ce qui est du contenu, j’ai fait avec ce que j’avais pu voir aux informations, dans des documentaires. Parfois je me disais que j’exagérais, que ce n’était pas crédible. Ce fut le cas, par exemple, pour mes miliciens. Je leur trouvais un côté trop « seconde guerre mondiale » et puis j’ai vu les milices organisées en Ukraine. Ce n’est malheureusement pas la seule fois que mon imaginaire a rejoint la réalité.

Pour autant, j’ai cherché à laisser les portes ouvertes pour tous les personnages. Chacun traîne son histoire qui lui fait faire des choix. Je n’ai pas voulu que l’on sorte avec un ennemi désigné et facile. Même le plus dur a ses raisons de l’être.

Et puis, la situation se veut atemporelle. Ce peut être aujourd’hui, ce que nous voyons régulièrement aux informations. Ce pourrait être hier, un passé pas si lointain. Celui, par exemple, de la dictature espagnole, des Français de la zone occupée. Ce pourrait être demain.

Je n’ai pas forcément cherché la vraisemblance de ce côté-là. Ce qui m’intéresse, c’est la réflexion. Ce que j’espère, c’est les discussions à la sortie du spectacle.

Dans mon écriture, d’ailleurs, cette liberté s’est traduite par une suppression progressive des didascalies. Chaque comédien a pu construire mieux son personnage, y mettre son sous-texte.

Une mise en scène retravaillée.

Après la représentation de juin 2016, nous avons relancé l’aventure, pour ne pas laisser partir ce spectacle après une seule représentation, pour aller plus loin. Certains ont dû nous quitter, d’autres nous ont rejoints. Et nous voici, prêts à le servir à nouveau.

Si le texte a un peu évolué, mise en scène et personnages ont beaucoup bougé.
Terminée la simple succession de scènes et les changements réguliers de décor. Désormais, deux espaces cohabitent.

L’espace scénique est ainsi séparé en deux, par une diagonale. D’un côté la forêt d’automne, feuilles mortes au sol, qui abrite les réfugiés et le petit monde, plus ou moins hostile, qui gravite autour. De l’autre, la place du village, ses habitants ébranlés par la situation. Dans la forêt on se cache, dans le village on s’observe.

Cette mise en espace permet de voir la simultanéité des différentes actions. Certains comédiens sont presque tout le temps en jeu!

Nous avons actualisé les tenues, parce que cette situation est bien nôtre. Il y a bien des réfugiés qui résistent dans le froid, il y a bien des réfugiés qui se heurtent aux murs de nos frontières, aux murs de nos consciences. Parce qu’il y a la frontière matérielle, mais surtout, celle, impalpable, qui fait qu’un monde ferme les yeux sur l’autre, pour ne pas le voir mourir.

écriture: Aurélie Pouget
mise en scène: Aurélie Pouget, Pascal Le Goapper
mise en lumière: Fernando Lopes Fadigas
interprétation Claudine Audvard, Alain Barreau, Gaël Bardon, Diane Daïan, Valérie Delivet, Nachida Fauchereau, Annie Keromnès, Magali Liets, Martine Masseboeuf, Claire Petit, Christine Puyhardy, Laly Pyronnet, Gilles Saint-Bonnet, Nadine Savary, Emmanuelle Victoria